LE DÉVOREUR DE MOTS DE MARC BERNARDIN

Le dévoreur de mots 026 : Qu'est-ce qu'un nom ?

Toucan lisant une bande dessinée

Nous espérons tous ce moment dans un scénario, où l'on prépare l'introduction d'un personnage et où l'on veut qu'elle ait la même fraîcheur immortelle que la présentation de 007 par Ian Fleming : "Le nom est Bond, James Bond". Autant l'ingénierie de ce moment est importante, autant le nom lui-même l'est. Car les noms ont du poids. Ils ont du pouvoir. Ils adoucissent le terrain de votre personnage par une évocation. C'est aussi une responsabilité, qu'il ne faut pas prendre à la légère. Comme l'a dit le critique culturel Marshal McLuhan, "le nom d'un homme est un coup dont il ne se remet jamais".

Alors, quand il s'agit de donner un nom à votre personnage, essayez de faire en sorte qu'il ait une signification - et ne lui donnez pas un nom cool pour le plaisir d'être cool. Résistez à l'envie de lâcher surle monde un autre Cypher Raige - le personnage de Will Smith dans After Earth. À mon avis, il y a là deux pierres de touche de la pop-culture qui ont donné le bon nom à leur personnage, mais pour des raisons tout à fait différentes.

Star Trek

Il y a beaucoup d'éléments marquants dans l'univers construit par Gene Roddenberry, et beaucoup de raisons pour lesquelles nous nous souvenons des acteurs de cet univers, mais le fait qu'aucun personnage n'ait un nom de plus de deux syllabes y contribue. Kirk. Spock. Bones. Sulu. Riker. Worf. Picard. Yar. Troi. Sisko. Dax. Odo. Ils sont tous différents, ils parlent tous de leurs origines ethniques tout en étant incroyablement faciles à saisir. Je n'ai jamais été le plus grand fan de Babylon 5 en grandissant - bien que je puisse apprécier la série pour ce qu'elle était et ce qu'elle faisait, je savais dès le départ qu'elle n'aurait jamais le même héritage que Star Trek parce que les noms ne collaient pas.

La première saison de Babylon 5 nous a présenté Jeffrey Sinclair, Susan Ivanova et Michael Garibaldi. Même s'il est expliqué qu'un "garibaldi" est une sorte de poisson qui défend agressivement sa progéniture, ces noms sont tout simplement trop décoratifs. Je comprends que les noms puissent avoir une signification symbolique, mais on ne peut pas compter sur le lecteur pour faire ce travail et cette déduction. Je connais pas mal de Jeffrey, et ce sont tous des gens merveilleux, mais je ne pense pas suivre un Jeff au combat, qu'il soit fictif ou non.

Santé

Chaque nom de chaque personnage de Cheers révèle quelque chose sur qui il est, d'une manière presque subliminale mais tout à fait applicable. Sam Malone : Vous ne dites qu'un seul de ces Ms, donc cela devient Sam Alone, un type qui est toujours à l'écart de tout ; un alcoolique en voie de guérison qui tient un bar, qui n'a jamais trouvé de femme capable d'aller jusqu'au bout avec lui. Diane Chambers : Elle est murée, presque royale dans son dédain. Frasier Crane : tout ce qui concerne le crâne, plus intelligent que les autres et plus bête à la fois. Coach : C'est juste là, comme pour Norm. Tous ces noms fonctionnent à un niveau inconscient, vous donnant des informations sur les personnages sans vous les asséner.

Les noms ont un pouvoir et, parfois, un personnage s'efforce de subvertir ou de subsumer ce pouvoir. Lorsqu'Adam Freeman et moi-même avons construit le monde de Genius, nous avons examiné le lieu et l'époque où se déroulait notre histoire et nous avons trouvé des noms qui avaient du sens, mais qui disaient aussi quelque chose de plus. Notre personnage principal est une adolescente noire nommée Destiny Ajaye. "Destiny" avait deux fonctions : c'était à la fois le genre de nom que l'on pouvait rencontrer dans le centre-sud de Los Angeles et le genre de nom que les parents pauvres donnent à leurs enfants en espérant qu'ils puissent s'en sortir. Et "Ajaye" parce que Franklyn Ajaye est un comédien phénoménal, presque oublié. Parfois, ils viennent à vous depuis les endroits les plus étranges.

Mais faites l'exercice de réflexion qui accompagne l'attribution d'un nom à un personnage - qui est censé être cette personne, et comment le nom que vous lui donnez ajoute-t-il ou retranche-t-il à ce que serait son expérience dans le monde ? Se cache-t-il d'une longue lignée familiale ? A-t-elle honte de porter le nom d'une boussole ? A-t-elle un surnom - si oui, pourquoi ? Son nom trahit-il sa race et, si c'est le cas, comment cela a-t-il affecté les opportunités qui lui ont été offertes ? Un Luther devient-il président de banque plus rapidement qu'un Colin ? Aurons-nous un jour un président portant le prénom de Tiffani ?

"Le nom d'un homme est un coup dont il ne se remet jamais. Notre travail, en tant qu'écrivains, est de placer nos personnages dans les pires situations et de les faire se battre pour les surmonter. Pourquoi ne pas commencer par leur "naissance" ?


Le dévoreur de mots de Marc Bernardin paraît le troisième mardi de chaque mois ici sur Toucan !

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