LE DÉVOREUR DE MOTS DE MARC BERNARDIN

Dévoreur de mots 046 : Poste d'écoute

Toucan lisant une bande dessinée
Marc Bernardin

Cela semble familier à tous ceux qui ont déjà écrit quelque chose : il y a un moment où l'on ne sait pas trop quoi écrire. Lorsque vous arrivez à une étape de votre plan et que votre cerveau se bloque. (C'est aussi le cas si vous écrivez sans feuille de route et que vous laissez les choses venir à vous... mais qu'elles ne viennent plus).

Lorsque vos doigts cessent de bouger.

Ce n'est pas tout à fait la même chose que le "syndrome de la page blanche" qui, à mon avis, ressemble à un manque d'inspiration ou de motivation. C'est différent. C'est comme si je tombais sur un péage et que je n'avais pas assez d'argent pour payer le prix de la course.

Cela vient de m'arriver dans le cadre d'un projet de longue haleine sur lequel je travaille. Je progressais bien ; l'écriture allait bon train et le plan m'aidait à rester sur la bonne voie.

(Petite parenthèse : Pour moi, les plans sont des béquilles de confiance. Ils me disent quand je suis prêt à commencer à écrire. Pour un livre comme celui que je suis en train d'écrire - une monstruosité de plus de 200 pages - un plan est nécessaire. Le voyage est trop long pour ne pas tracer une route. Pour une disquette de 20 pages, les grandes lignes sont moins utiles pour structurer l'histoire que pour planifier les tournures de pages et les éclaboussures. Si j'écris un pilote pour la télévision, je commence souvent par tracer les grandes lignes pour me mettre dans l'état d'esprit nécessaire à l'exécution et pour m'aider à concevoir les grands moments, mais je passe souvent de l'écriture des grandes lignes à l'écriture de l'épisode parce que j'ai tellement hâte de m'y plonger. Comme pour tout, votre kilométrage peut varier).

Bon, j'étais en train de commencer un nouveau chapitre et je n'arrivais pas à m'y retrouver. Je n'arrêtais pas de regarder le titre du chapitre sur le plan, mais quand j'ai voulu le décomposer, je n'ai pas pu le faire.

Je suis resté bloqué dans cet espace pendant près de trois semaines jusqu'à ce que je réalise quelque chose : en fin de compte, le livre ne voulait pas de ce chapitre. C'est ce qu'il a essayé de me dire pendant ces trois semaines, mais je ne l'écoutais pas.

Au bout d'un certain temps, chaque histoire vous dira ce qu'elle veut être, la forme qu'elle veut prendre, ce dont elle a besoin pour être la meilleure version d'elle-même. Le tout est d'apprendre à l'écouter. Nous abordons souvent le travail avec un plan, une intention qui nous permet d'aller au-delà de l'inconnu et de créer quelque chose de nouveau qui n'existait pas auparavant. C'est un peu prétentieux, bien sûr, mais c'est le cas de tous les écrits. Nous avons le culot de penser que c'est nous qui sommes dignes d'apporter la nouveauté.

Mais une partie du processus - ou, du moins, une partie de mon processus - consiste à écouter les signaux que votre histoire envoie. Si quelque chose s'avère incroyablement difficile à écrire, vous devez l'écouter et essayer de comprendre pourquoi. Peut-être que vous racontez mal l'histoire, peut-être qu'elle nécessite une approche différente, et peut-être que cette partie de l'histoire n'est pas nécessaire.

Lorsque c'est difficile, essayez de comprendre pourquoi c'est difficile.

Cela ne veut pas dire qu'il faut abandonner quand c'est difficile. Certaines choses sont censées être difficiles. Certaines histoires refusent d'abandonner la marchandise tant que vous n'avez pas crocheté la serrure. Parfois, il faut simplement travailler.

Vous ne saurez pas comment procéder tant que vous n'aurez pas fait confiance à l'histoire elle-même pour vous éclairer.


Le dévoreur de mots de Marc Bernardin paraît le troisième mardi de chaque mois ici sur Toucan !

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