CARROUSEL DE JESSE HAMM

Carrousel 032 : Recadrage des panneaux

Toucan lisant une bande dessinée
Jesse Hamm
Jesse Hamm


L'un des défauts qui entachent le plus souvent le travail des dessinateurs amateurs est un mauvais cadrage. C'est le cas lorsque les bordures du panneau se rapprochent trop du sujet, coupant ainsi des informations précieuses, ou lorsqu'elles s'éloignent trop du sujet, laissant dans le panneau des informations distrayantes ou non pertinentes. Je vois souvent dans les travaux des amateurs des panneaux étriqués et peu clairs, ou qui comportent des hectares d'espace mort qui ne servent en rien l'histoire. Le dessinateur expérimenté apprend à recadrer judicieusement un panneau, en encadrant confortablement les éléments importants pour l'histoire et en supprimant le reste.

Supposons que votre scénario indique que le personnage du panneau 1 est arrivé dans un café pour y rencontrer un ami. À l'étape des vignettes (voir mon article sur les vignettes - Carrousel 12), vous avez déjà choisi un angle de vue pour montrer l'action : par-dessus l'épaule de l'ami, disons, alors que le personnage qui arrive entre par la porte d'entrée. Quelle est la proportion exacte de chaque élément qui doit être visible ? Si l'on se rapproche trop, le lecteur ne pourra pas savoir où il se trouve (un bar ? un restaurant ? suis-je déjà venu ici ?), ni si le personnage assis est important. Mais si vous dévoilez trop l'environnement, le lecteur risque d'être distrait par le décor et les autres clients, et de ne pas pouvoir se concentrer sur vos personnages clés. Comment décider rapidement et intelligemment de ce qu'il faut inclure et de ce qu'il faut supprimer ?

Voici quatre questions qui vont à l'essentiel :

  1. Que doit voir le lecteur pour comprendre l'action?
  2. Que doit voir le lecteur pour comprendre la situation?
  3. Combien de choses le lecteur doit-il voir pour comprendre l'ambiance?
  4. La culture est-elle esthétique?

Prenons-les l'une après l'autre.


1. ACTION

Ce point est plutôt évident : vous devez montrer suffisamment le comportement des personnages dans une planche pour que le lecteur comprenne ce qui se passe. Pourtant, de nombreux artistes n'y parviennent pas ! Le personnage tire-t-il ? Montrez-nous son arme. Est-il en train de taper ? Montrez-nous son clavier ! Je soupçonne les artistes d'être tellement préoccupés par le dessin du visage ou du corps du personnage qu'ils oublient d'inclure clairement les actions du personnage.

Et par "action", j'entends aussi la parole. Si les personnages parlent, le lecteur doit voir ce qu'ils disent. C'est pourquoi je recommande d'ajouter du lettrage au panneau avant de décider où recadrer - même s'il ne s'agit que d'une ébauche de mots esquissés, pour estimer l'espace dont le lettrage aura besoin.


2. CIRCUMSTANCE

Cette priorité est encore plus négligée que l'action. Les artistes oublient souvent que pour comprendre une scène, le lecteur doit connaître la situation des personnages, c'est-à-dire savoir qui d'autre est présent et où se déroule la scène. En tant que lecteur, je me retrouve souvent dans une scène où un personnage crie après quelqu'un, mais on ne sait pas qui ! Est-il à l'extérieur ou à l'intérieur ? Chez lui ou ailleurs ? Est-ce la nuit ou le jour ? L'artiste aurait dû laisser une marge plus large autour du personnage clé pour inclure les réponses à ces questions : des arbres, des meubles, un ciel ensoleillé, d'autres personnages, etc.

C'est également le moment de réfléchir au cadrage vertical : Quel est l'espace supplémentaire à laisser en haut et en bas du panneau ? Est-il nécessaire de voir le visage des personnages, le haut de leur tête ou leurs pieds ? Doit-on voir le sol en dessous d'eux et/ou le ciel au-dessus ? Parfois, ces éléments sont nécessaires ; d'autres fois, ils peuvent être recadrés sans perdre d'informations pertinentes. L'important est que vous fassiez ce choix délibérément, en fonction des besoins de la scène, plutôt que de laisser l'habitude faire ce choix à votre place.


3. MOOD

Cette priorité est peut-être la plus difficile à évaluer. Parfois, même après avoir laissé l'espace parfait pour révéler les actions et les circonstances d'un personnage, on s'aperçoit que le panneau ne donne pas aux lecteurs tout ce dont ils ont besoin pour que la scène fonctionne. Le problème, c'est que les histoires ne sont pas seulement des événements, mais aussi des ambiances. Que doit ressentir le lecteur face à ce qui se passe ? Les espaces que vous laissez (ou ne laissez pas) autour des éléments clés d'une planche contribueront à créer l'ambiance que vous souhaitez.

Supposons que vous ayez dessiné un personnage assis, pensif, au bord d'une prairie. Le lecteur ressentira probablement plus fortement cette atmosphère pensive si vous reculez, révélant davantage l'environnement pastoral. Vous pouvez même renforcer l'atmosphère en incluant une large étendue du ciel étoilé. Le lecteur n'aura pas besoin de voir davantage le ciel ou la prairie pour comprendre les événements de l'histoire, mais il aura peut-être besoin de voir davantage ces choses pour comprendre les sentiments du personnage.

Par ailleurs, supposons qu'il s'agisse d'une scène d'action : Votre héros est encerclé par les forces ennemies. Dans ce cas, il peut être utile de recadrer de près de chaque côté du visage du héros, pour souligner sa claustrophobie. (Pour que ce recadrage fonctionne, vous devrez peut-être repositionner certains éléments clés du panneau, afin qu'ils restent clairement visibles près du visage du héros au lieu de disparaître au-delà des limites du panneau).

Dans tous les cas, il est important de décider de l'ambiance que vous souhaitez créer dans chaque image, et de recadrer en conséquence, sans masquer les actions ou les circonstances des personnages.


4. AESTHETIQUE

Après avoir examiné les trois autres questions, nous en arrivons enfin à la composition du panneau (un sujet que j'ai abordé plus en détail dans Carousel 29). Indépendamment des questions narratives, les objets du panneau doivent être clairement visibles et agréables à regarder.

Notre principale préoccupation ici est un problème connu sous le nom de tangences, qui se produit souvent près des bords d'un panneau. On parle de tangences lorsque la proximité de certaines lignes dans un dessin implique une fausse relation entre les objets que ces lignes représentent. Par exemple, si la ligne que j'utilise pour représenter l'arrière de la tête d'un personnage touche la ligne que j'utilise pour représenter le bord du panneau, le personnage peut accidentellement donner l'impression d'appuyer sa tête contre le bord du panneau. De même, si le bord inférieur d'un panneau passe sur les chevilles d'un personnage, on peut avoir l'impression qu'il patauge dans une flaque d'eau, au lieu d'être simplement coupé au niveau des chevilles par le bord.

Évitez les tangences en examinant les bords de chaque panneau avant l'encrage. Regardez s'il y a des relations bizarres entre les lignes de vos dessins et les bords du panneau. Si vous remarquez une tangence, ajustez le dessin en poussant l'objet dessiné plus loin dans le panneau, ou plus loin en dehors, jusqu'à ce que la tangence ne soit plus évidente.

Cela peut sembler beaucoup à assimiler, mais une fois que vous aurez pris l'habitude de répondre à ces quatre questions, cela deviendra une seconde nature. Lorsqu'ils placent les bordures de leurs panneaux, la plupart des dessinateurs professionnels répondent probablement à ces questions sans même s'en rendre compte. Mais ce sont des questions utiles qu'il faut se poser consciemment dès le départ, afin de prendre l'habitude de recadrer de manière réfléchie.

Enfin, voici une méthode de dessin qui facilitera le recadrage : Lorsque je m'attaque à une nouvelle planche et que je n'ai pas encore décidé comment la recadrer, je la dessine en grand, sur un nouveau calque, séparé du reste de la page. À ce stade, il n'y a pas de bordures ; je me contente de disposer les objets et les personnages et de m'assurer qu'ils ont la bonne perspective. Lorsque l'aspect général de l'esquisse me plaît, je place des bordures sur les bords, en recadrant l'œuvre conformément aux quatre priorités susmentionnées. Je redimensionne ensuite le panneau et l'insère dans la page à sa place, en l'étirant ou en l'écrasant si nécessaire. Je dessine le dessin au crayon sur cette ébauche, en ajustant les personnages si je les ai étirés ou écrasés. Cette méthode me permet de dessiner librement et de recadrer librement sans avoir à dessiner dans un espace prédéterminé, ce qui peut être inhibant. (Si vous travaillez sur papier plutôt qu'en numérique, vous pouvez dessiner le panneau sur une feuille séparée, le recadrer, puis redessiner l'ébauche recadrée dans le panneau réel de votre page de bande dessinée).

Le cadrage fait partie de la grammaire de la bande dessinée, tout comme le choix de la fin d'une phrase dans un roman ou de la durée d'une note de musique dans une chanson. En choisissant judicieusement l'endroit où recadrer chaque planche, vous renforcerez votre œuvre et la rendrez plus unique. Relevez le défi !

Rendez-vous le mois prochain !


Carousel de Jesse Hamm paraît le troisième mardi de chaque mois ici sur Toucan !

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