LE DILETTANTE DE STEVE LIEBER

Dilettante 032 : Revoir Fun Home d'Alison Bechdel

Toucan lisant une bande dessinée

Alison Bechdel

J'ai été époustouflé par ce livre lors de sa sortie, et je l'ai relu immédiatement, à plusieurs reprises. Maintenant qu'il est de retour dans la presse (et sur la liste des best-sellers du New York Times ), j'ai pensé que ce serait le bon moment pour l'examiner d'un point de vue centré sur la bande dessinée, en étudiant certaines des stratégies utilisées par Bechdel en tant que conteuse visuelle.

Les figures et les arrière-plans sont dessinés à l'aide d'un trait de plume souple et flexible. Peu de lignes, voire aucune, ne sont tracées. Même les bordures des panneaux sont dessinées à main levée.

Pourtant, tout au long du film, les détails des vêtements, des cheveux, des accessoires et du décor sont rigoureusement décrits. Bechdel et ses parents sont tous de grands lecteurs, et lorsque nous voyons en gros plan une page d'un livre que l'un d'entre eux est en train de lire, Bechdel dessine à la main avec diligence l'image de cette page spécifique. Je n'ai pas lu beaucoup de bandes dessinées dans ma vie où la représentation de la typographie, du mobilier et de l'architecture fait partie intégrante de l'histoire racontée. Mais les marques qui délimitent ces éléments sont toutes non réfléchies et décontractées. Il n'y a pas de démonstration de bravoure ou de moments qui attirent l'attention sur l'habileté de l'auteur à manier le stylo. Bechdel limite généralement son travail au trait à de petits détails : saleté, cheveux, arbustes, grain de bois, bardeaux.

La seule exception à cette règle est lorsque l'histoire nécessite de montrer des photographies. Bechdel change d'approche pour ces moments, construisant des valeurs de gris en hachurant et en hachurant beaucoup de lignes fines au stylo, en utilisant moins de contours et en éliminant complètement le ton vert. Il est impossible de confondre l'une des "photos" avec l'un des panneaux narratifs. Chaque chapitre commence par un de ces dessins de photos, qui sert à la fois à renforcer le thème du chapitre et à rappeler au lecteur qu'il s'agit de mémoires et non de fiction.

Malgré cela, ses personnages ne sont en aucun cas photoréalistes. Elle utilise les photos comme un outil pour saisir les subtilités de la construction, du poids et du geste. Elle dessine les visages de manière un peu caricaturale afin que leurs expressions soient facilement lisibles, et elle utilise occasionnellement des mouvements - une ligne qui se tortille ou une goutte de sueur qui s'envole - toujours au service d'une narration claire.

Les mises en page de Bechdel sont tout aussi simples. Il n'y a pas de perspective exagérée ou d'angles de caméra expressionnistes. Les plans sont choisis pour communiquer ce qui se passe, et non pour dire au lecteur ce qu'il doit ressentir. Lorsqu'on nous montre une vue d'oiseau, c'est parce que c'est l'angle qui montre le mieux la jeune Alison, assise dans un arbre, regardant ses frères jouer au sol. Elle dessine parfois des diagrammes et des cartes pour expliquer une disposition spatiale avec un maximum d'efficacité. Cela présente l'avantage supplémentaire d'être en harmonie avec l'un des principaux thèmes du livre. Tout au long du livre, les personnages, y compris Alison, refoulent ou ont même du mal à accéder à leurs sentiments, abordant les situations intensément émotionnelles avec une réserve détachée et analytique. La qualité distanciée et objective d'une carte renforce ce constat.

Presque chaque planche de l'histoire est précédée d'une courte légende narrative au passé. Ces légendes communiquent des informations de base sur l'histoire, fournissent des transitions, énoncent et renforcent des thèmes. C'est aussi là qu'une grande partie des sentiments d'Alison est rendue explicite. Il est intéressant de noter que certains des sentiments les plus intenses du livre sont exprimés dans des légendes au passé, au lieu d'être montrés "en direct" dans les images. À la page 77, par exemple, Alison reçoit une lettre de sa mère qui la fait se sentir très mal. Bechdel nous montre un gros plan de la lettre et une légende qui dit : "Pourtant, j'étais dévastée". Pas de gros plan sur les larmes qui montent, pas de grimace, pas de langage corporel angoissé. Une simple phrase déclarative.

Pour moi, ces choix visuels s'ajoutent à une voix d'auteur distincte et attrayante. Il est facile d'imaginer Bechdel racontant l'histoire en personne. Discrète, retenue et analytique, elle n'est jamais bruyante ou animée, même dans les moments les plus intenses, vous faisant confiance pour saisir la signification écrasante de ce qu'elle vient de dire, laissant votre esprit être le chemin vers votre cœur.


Le Dilettante de Steve Lieber paraît le deuxième mardi de chaque mois ici sur Toucan !

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